Objectif mémoire…c’est enregistré !
Hélène Weber fait partie de ces belles rencontres évidentes. Quelques phrases écrites, un contact, puis une conversation téléphonique et tout est presque dit. Nous sommes sur la même longueur d’onde ! Bien sûr son parcours professionnel impressionne, mais plus que tout, c’est son ressenti, son analyse émotionnelle du parcours scolaire qui m’a plu. J’ai parcouru son dernier livre « Objectif mémoire » avec une envie folle de mettre en pratique ses méthodes. J’ai parcouru avec avidité et assiduité, la lecture de son blog : « donnez du sens à vos études« . Il m’a donné la tonalité et la réalité de ce que nous partageons : Il n’y a pas de méthodes pour tous mais chacun doit trouver sa méthode. La voie de la réussite est en nous, Hélène, ou Quokka, sommes là pour proposer, initier, mettre en mouvement, booster, valoriser, co-construire éventuellement. Hélène était donc, la personne, à interviewer en ce début d’année scolaire ! Avez vous rencontré des jeunes qui n’aimaient pas apprendre ? ou qui avaient peur d’apprendre ? L’apprentissage fait partie de la vie. Nous avons continuellement besoin d’apprendre, dès le premier jour de notre existence : apprendre à marcher, à parler, à nous comporter en fonction des autres et des circonstances. C’est dans le cadre scolaire qu’il me semble que la question de savoir si on n’aime ou pas « apprendre » se pose de manière singulière. J’ai lu récemment le livre de Serge Boimare qui s’intitule justement « Ces enfants empêchés de penser ». Ce psychopédagogue accompagne des adolescents qui ont une intelligence tout à fait normale, mais qui sont en échec scolaire, incapables de s’adapter au cadre qui leur est imposé. Je me sens très proche de sa démarche et je trouve son analyse très éclairante. Selon lui, l’échec scolaire est à mettre en lien avec la peur d’apprendre et la difficulté à penser. Mais pas du fait d’un QI déficient. Il met en évidence deux obstacles à l’apprentissage : la difficulté à évoquer les informations dans sa tête et l’impossibilité à supporter le « temps de suspension » nécessaire au travail de réflexion. Je ne pense donc pas avoir jamais rencontré de jeunes qui n’aimaient pas apprendre. Par contre, j’en ai rencontré de nombreux qui se sentaient très mal dans le cadre scolaire ou qui n’avaient pas les ressources pour s’adapter dans un cadre contraignant. Mais ce n’est jamais selon moi une fatalité. Il existe de multiples voies à la fois pour comprendre ce qui met en difficulté un jeune dans son rapport à l’école et pour l’aider à l’apprivoiser. Certains prônent l’envie de changer l’école, ne faut il pas aussi changer son rapport à l’école ? Les deux me paraissent des objectifs passionnants. Dans un contexte de crise économique, dans une société où le taux de chômage dépasse les 10% et où l’ascenseur social est en panne, il devient difficile pour une part importante de la population d’avoir confiance en l’avenir. Si s’investir à l’école n’est pas une garantie de réussite sociale, ou ne donne pas tout du moins l’assurance de trouver du travail, on peut comprendre que beaucoup de jeunes aient du mal à donner du sens à leur scolarité. Pour moi, il faut faire évoluer l’école, le rapport à l’école, la place de l’école dans notre société, le regard que l’on porte sur les diplômes et encore bien d’autres choses. Beaucoup d’élèves ou d’étudiant disent : je n’ai pas de mémoire, je ne peux pas réussir, qu’en pensez vous ? Dans cette double affirmation, je perçois à la fois une méconnaissance de la façon dont fonctionne la mémoire et un manque de confiance en soi et en ses capacités à réussir. Au cours de ma scolarité, on ne m’a jamais appris à comprendre comment j’apprenais, comment fonctionnait ma mémoire, comment il fallait que m’y prenne pour comprendre, mémoriser ou réfléchir. Comme la grande majorité des élèves encore aujourd’hui, j’ai appris sans me poser de question, avec plus ou moins de réussite en fonction des disciplines et des étapes de mon parcours. Ces dernières années, mon activité d’enseignante m’a conduite à lire des livres passionnants sur l’apprentissage et la mémoire. Et j’ai découvert qu’en apprenant à nous connaître, nous pouvions tous progresser de manière extrêmement significative. Je l’ai constaté avec les étudiants que j’accompagne, ce qui m’a amenée à écrire un livre sur le sujet : Objectif mémoire, Au lycée et à l’université, (ré)apprenez à travailler avec plaisir et efficacité (Editions Eyrolles, 2013). Dans le cadre des cours que je dispense, je porte une attention particulière aux croyances qui empêchent les étudiants de croire en leurs capacités. Pratiquer des exercices qui leur montrent par l’exemple de quoi ils sont capables joue un rôle central. Ils se rendent compte par eux-mêmes et en situation que leur mémoire est bien plus extraordinaire que ce qu’ils imaginent. Sommes nous tous à égalité face à la mémorisation ? Comme pour n’importe quelle habilité, nous avons tous un potentiel différent. Tout le monde n’a par exemple pas les capacités de courir le cent mètres en moins de dix secondes, même avec un entraînement performant. Par contre, nous avons tous la possibilité de progresser. Et pour ma part, je trouve que c’est ce qui est le plus important. L’important n’est pas d’être le meilleur, mais de trouver sa place. Retenir, mémoriser est ce naturel ? Je ne dirais pas que c’est naturel. Cela demande du travail et de la persévérance. Je me souviens d’un étudiant dans l’un de mes cours qui m’a demandé si les méthodes que je proposais étaient efficaces à 100%. Je lui ai répondu que oui. Dans la mesure où elles exploitent les grands principes de la mémoire, elles ne peuvent que donner de bons résultats. Au lieu de mémoriser rapidement pour tout oublier deux jours plus tard, elles permettent de mémoriser sur le long terme, et d’améliorer en parallèle les capacités de compréhension et de réflexion. Par contre, elles ne dispensent pas de fournir du travail. Les parents ont il un rôle à jouer pour aider le jeune à retenir, ou doit on le laisser « se débrouiller » ? Je dirais que cela dépend de la relation qui existe entre le jeune et ses parents. Certains parents ont témoigné sur mon blog, pour expliquer de quelle façon ils avaient aidé leurs enfants à s’approprier les méthodes d’apprentissage que j’expose avec d’excellents résultats. Par contre, lorsque les enfants entrent dans la période de l’adolescence, ils ont tendance à entrer dans une phase d’opposition vis-à-vis de leurs parents, pour tracer leur propre voie. Il peut alors être nécessaire et salutaire que l’aide vienne de l’extérieur. Les parents peuvent orienter, suggérer, accompagner vers un coach ou un psychologue, en fonction des difficultés rencontrées. Faudrait il instaurer des cours d’apprentissages, du coaching en quelque sorte, au collège ou au lycée ? Je trouve que ce serait extrêmement bienvenu. Beaucoup d’élèves se trouvent complètement démunis en arrivant au lycée, et encore plus à l’université, parce qu’ils ne savent pas comment mettre en place des stratégies d’apprentissage efficaces et adaptées. J’ai connu des élèves qui réussissaient très bien en primaire ou au collège mais qui « s’effondraient » au lycée ou en fac ? les méthodes pour apprendre sont elles les mêmes ? Plus les élèves avancent dans leur cursus, moins ils sont guidés. Le système scolaire, les enseignants et les parents s’attendent à ce qu’ils deviennent de plus en plus autonomes, mais sans forcément leur donner les clés dont ils vont avoir besoin. Le fossé entre le lycée et les études supérieures me paraît encore plus grand que celui qui existe entre le collège et le lycée. Les élèves (et ensuite les étudiants) doivent s’appuyer sur leurs ressources propres pour comprendre et réfléchir. Ils doivent apprendre à trouver par eux-mêmes les réponses aux questions qu’ils se posent. Or, tout cela s’apprend. Nous entendons souvent : il est fainéant ! Pour Quokka ca n’existe pas, par contre, un jeune qui s’accroche à ses croyances de non réussite, ça existe, que pensez vous du pouvoir du mental ou des croyances ? En tant que psychologue (mon autre métier), j’ai appris à comprendre pourquoi nous avons besoin de croire ce que nous croyons. Il ne s’agit pas de mauvaise volonté ou de mauvaise foi, mais d’une fragilité à laquelle il est toujours possible de donner un sens. L’image de soi est effectivement déterminante en ce qui concerne la réussite. Il faut anticiper de quoi l’on sera capable pour réussir. C’est essentiel. Dans votre livre vous aimez valoriser l’imagination et pourtant, être rêveur, n’est-il pas parfois un handicap pour un élève ? L’imagination correspond à cette capacité à créer et à faire des liens inédits entre les choses, les informations et les idées. Il s’agit d’un processus mental extraordinaire, qui est constamment mobilisé lorsque l’on apprend. « Etre rêveur », dans le sens commun, renvoie plutôt à l’inattention, au laisser-aller, à l’absence de concentration. Parfois, rêver permet de laisser libre-cours à son imagination ; j’imagine qu’il s’agit d’une question de dosage. Le titre de votre site est : « donnez du sens à vos études » ? Doit on rapprocher le mot « sens » des sensations ou d’une direction ? Je n’avais pas pensé à associer le sens aux sensations. Pourtant, je trouve cela très pertinent, quand on sait que la vue, l’ouïe, le toucher sont particulièrement mobilisés lorsque l’on apprend. Le mot sens, pour moi, était à mettre en lien à la fois à cette idée de direction et à celle de signification. Qu’est-ce que cela veut dire pour moi de faire des études ? Quels projets cela me permettrait-il de réaliser ? Dans quelle direction ai-je envie de me diriger ? Hélène, après ces vacances, quels conseils aimeriez vous donner aux jeunes ou/et à leurs parents avant la rentrée ? (Mise en conditions physique ou mentale, achat de matériel neuf ?…) La première année d’études supérieures est souvent une année de grande remise en question pour beaucoup d’étudiants : mon orientation est-elle la bonne ? Ai-je ce qu’il faut pour réussir ? Vais-je trouver ma place au sein de l’institution où je suis inscrit ? Vais-je m’adapter si je vis loin de mes parents pour la première fois ? Etc. Je pense qu’il faut se faire avec l’idée que les choses ne vont pas être simples, qu’il va sûrement falloir prendre le temps de discuter, d’échouer, de se remettre en question ou d’envisager des changements à tous les niveaux. Mais tout cela, même si c’est très important (il s’agit tout de même de l’avenir de nos enfants et de leur vie future), n’est pas grave. En fait, les recommandations que l’on pourrait faire sont multiples : se mettre à travailler régulièrement dès le début de l’année, faire du sport ou pratiquer une activité culturelle, se faire de nouveaux amis, aller à la rencontre des enseignants, etc. Le message principal serait d’aller à la découverte de toutes les nouveautés qui accompagnent le début des études supérieures, et ne pas avoir peur d’aller au devant des personnes ressources qui pourront faciliter son intégration. Avez vous de idées pour combattre la « rentrite* (mal au ventre avant la rentrée) ? Peut-être faire une liste de toutes les choses qui vont rendre cette nouvelle année extraordinaire à vivre, afin de se les remémorer souvent et de les avoir bien en tête le jour de la rentrée. Et puis en parler aux personnes en qui vous avez confiance dans votre entourage. Surtout, ne pas s’isoler et rester seul avec ses idées angoissantes. Merci beaucoup Hélène. Pour les adultes intéressés, vous venez d’écrire un nouveau livre : « Le manager responsable, souffrance au travail et responsabilités hiérarchiques »
Publié le 14 septembre 2014 | | Laissez vos commentairesClassés dans : Actualités quokka