Génération tout à l’égo
Fans de Facebook, les ados s’y affichent sans complexe. Narcissisme exacerbé ou petit jeu anodin ?
Ils y sont même particulièrement sensibles. « C’est un âge où l’on aime être flatté, rassuré sur son corps et sur son apparence, estime Jacques Henno, conférencier spécialiste du numérique. Ça explique qu’ils se fassent autant de compliments et de bisous sur Facebook. » « Ils sont dans la com d’eux-mêmes. Pour eux, les “Like” attestent leur valeur », confirme le psychiatre pour ados Xavier Pommereau. Car être « liké », c’est être populaire, une notion clé pour les ados, un élément indispensable à la construction de leur identité. C’est sans doute pour cette raison que la plupart d’entre eux ne prennent pas de pseudo : seuls 8% en choisissent un à leur inscription sur le réseau.
Mais se raconter à Toile ouverte peut être risqué. Grisés par l’outil, et pas toujours au fait des paramètres de confidentialité, les néophytes ou les plus jeunes oublient parfois toute retenue et postent la photo ou le message de trop. C’est le cliché d’une soirée bien arrosée ou un commentaire vachard sur un copain – non, les ados ne font pas que dans la gentillesse – qui provoquera des réactions insoupçonnées dans la cour du lycée. « Quand ils sont derrière leur écran, ils ne mesu- rent pas toujours le poids des mots, dit Jacques Henno. Mais s’ils ont écrit n’importe quoi, la “vraie vie” les rattrape le lendemain sous la forme d’une dispute à la sortie de l’école. Ils com- prennent vite la leçon. »
Le temps aussi porte ses fruits. A la longue, les jeunes se lasseraient de ce « tout à l’ego ». « Des ados commencent à quitter Facebook, remarque Pascal Lardellier, professeur en sciences de la communication. Ils saturent de l’auto-narration continue. » Julie, 15 ans, trois ans de réseau social derrière elle et 355 amis, n’en est pas loin. Cette Parisienne se connecte pour écrire à ses copains qui vivent loin et retrouver des camarades de maternelle ou de primaire. « Au début, je faisais surtout attention à mon image, dit-elle, je mettais plus de jolies photos de moi. Aujourd’hui, je trouve que ce n’est pas si intéressant de faire ça. » La jeune fille est sur Twitter depuis un an. « On s’y prend moins au sérieux. » Des ados se reportent aussi sur Instagram, un réseau social d’images, qu’ils jugent plus créatif. Comme sur Facebook, on y met des photos, mais l’idée est de donner à voir le monde. Pas seulement son nombril.
(1) Réalisé par Calysto avec la Voix de l’Enfant auprès de 35 000 enfants et ados. (2) Flammarion, « Antidote », 2013.
ELODIE LEPAGE
Publié le 17.10.13 par Le Nouvel Observateur
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